Réponse à une réflexion : anecdote
Anecdote
On a aujourd’hui plus d’informations sur Sun Lutang. Quelques histoire circulent sur sa vie. On sait par exemple qu’il était très ami avec certains des membres de la famille Yang, et qu’il était aussi très ami avec Hao Wei Zhen*. On a découvert que, vers la fin de sa vie, il a voyagé pendant plusieurs années pour finir par se rendre auprès des Taoïstes dans le Wudang Shan.
Voici l’anecdote : Sun Lutang avait parfois l’occasion de présenter sa pratique devant un large public. La démonstration qu’il fit ce jour là était une composition de trois arts internes qu’il étudiait : le Xing Yi quan, le Tai Chi Chuan et le Bagua Zhang.
A la fin de cette prestation, un des spectateur se présenta et a demanda de quelle nature était la pratique. Était-ce une gestuelle proche du Kung-fu, en d’autres termes une gymnastique, ou était-ce autre chose ?
Sun Lutang lui répondit que sa démonstration n’était qu’une gestuelle qu’on nomme, pour la différencier des disciplines proche de Shaolin, Arts martiaux interne “Neijia Quan”.
Après le départ de ce spectateur, un des disciple du maître s’approcha et demanda pourquoi il avait répondu de la sorte. Le maître lui demanda de patienter quelques instants et qu’il lui donnerait une réponse une fois que toutes les spectateurs seraient partis.
L’élève attendit quelques minutes et le maître le rejoignit. Sans attendre que son disciple ne lui repose la question, il commença son explication :
Cet homme qui m’a demandé si ma pratique n’était que simplement gestuelle, deux possibilités se sont présentées. Soit il pensait que j’exécutais une gymnastique** et dans ce cas je n’avais aucune raison d’aller à l’encontre de ce qu’il pensait puisque je pars du principe qu’il ne faut jamais brusquer personne, pour ne pas envenimer les choses et qu’elles deviennent pires qu’elles ne le sont.
D’autre part, supposons que considérant ma démonstration, il n’a pas vu ou voulu voir autre chose qu’une gymnastique, qu’y puis-je ?
Bien entendu comme tu l’as compris depuis longtemps, les arts internes ne s’arrêtent pas à une simple gymnastique et vont bien au delà de la gestuelle qui n’en est que le substrat.
Mais le refus d’admettre ou de reconnaitre l’erreur est notre lot. De sorte qu’il ne sert à rien de vouloir expliquer quelque chose à une personne qui ne veut rien entendre. C’est un peu comme de tenter de faire comprendre à un aveugle de naissance les couleurs.
Sun Lutang continuat de la sorte : Un proverbe résume ma position il dit “Le cœur de certains hommes est tellement endurci, leurs oreilles devenues tellement sourdes, que leurs yeux se voilent de peur de voir et d’entendre, de peur finalement que leur cœur ne comprenne, de peur qu’ils admettent se tromper. Ce qui fait toute la différence avec l’homme droit, car de lui rien ne sort de sa bouche qui ne vient du cœur ou si tu préfères pour m’exprimer plus simplement : “un homme juste parle toujours avec son cœur et non par intérêt personnel.”
La conclusion que fit Sun Lutang fût la suivante : “Finalement que pouvons nous y faire, puisque toutes les démonstrations n’y feront rien. Il faut simplement s’armer de patience, car bien que je n’ai aucun espoir quant à ce que je peux ou ne peut pas lui faire croire ; ce que croit cette personne ne changera pas a ce qui est.”
* Voir article “Chen et Tai Chi Chan”. Il est expliqué qu’avant le début des années 50 le Style Chen n’était pas considéré comme étant du Tai Chi Chuan. Il se nommait “Boxe du Poing Canon”.
Dans “Etude sur le Tai Chi Chuan” de Ma Youqing, d’après Wu Tunan, l’auteur retrace en 1950 à Pékin le déroulement d’une conférence avec constitution d’un comité d’étude sur le Tai Chi Chuan : « en découvrant la présence de monsieur Chen Fake (style Chen) et Gao Ruizhou, un maître de la boxe du Xingyi quan, Wu Tunan interpelle l’organisateur de la conférence monsieur Zhang : Quel est le sujet de la rencontre d’aujourd’hui ? »
– Monsieur Zhang : « C’est l’étude du Tai Chi Chuan »
– Wu Tunan : « Alors qu’est ce qu’on fait des personnes qui ne pratiquent pas le Tai Chi Chuan. Est-ce qu’ils sont un simple public ou ont-ils un droit de vote ? »
– Monsieur Zhang : « Bien entendu, s’il y a des personnes qui ne pratiquent pas le Tai Chi Chuan ils n’ont pas le droit de vote. Mais toutes les personnes ici présentes pratiquent le Tai Chi Chuan. D’après vous, quelles seraient les personnes qui ne pratiqueraient pas le Tai Chi Chuan ? Pouvez vous les nommer, s’il vous plait ? »
– Wu Tunan : « Je cite deux personnes : l’une c’est Chen Fake, il pratique le “Paochui” (la boxe du poing canon) et l’autre est Gao Ruizhu, il pratique le “Xing Yi Quan”. »
Monsieur Zhang, l’organisateur se tourne vers Chen Fake : « Alors, ce que vous pratiquez c’est quoi ? C’est du Tai Chi Chuan ou ”la boxe du poing canon” ? Si vous dites que c’est du Tai Chi Chuan, comme le sujet d’aujourd’hui est l’étude du Tai Chi Chuan on pourra bien en discuter.
En effet, en Tai Chi Chuan primo on n’utilise pas la force brute ; secundo, ses principes sont les huit potentialité et les cinq déplacements. On se base dessus pour exécuter les postures et enchaînements.
On peut commencer par discuter sur les principes et les lois et on étudie les poussées des mains. Ainsi, on peut savoir ce que vous pratiquez, ”la boxe du poing canon”, le ”Xing Yi Quan”, ou le Tai Chi Chuan. »
Gao se tourne vers Chen Fake : « Ecoute, on va assister simplement. C’est d’accord pour toi ? »
Chen Fake répond : « Alors assistons. Car on ne “pratique” pas pareil. ».
** Cette prédiction s’est confirmée ; c’est cette “gymnastique lente” qui est enseignée depuis le milieu des années 60 à toute personne qui se destine au professorat de Tai Chi Chuan dans les Universités de Sports en Chine.